La motion Hegglin, récemment acceptée par le Parlement, prévoit de restreindre l’obligation de contracter entre assureurs et prestataires dans les régions jugées « saturées ». Sur le papier, l’objectif est clair : améliorer la maîtrise des coûts en permettant aux assureurs de sélectionner les partenaires avec lesquels ils souhaitent collaborer. Mais derrière cette logique de régulation à visée exclusivement économique, certains redoutent une remise en cause du droit fondamental de choisir librement son médecin — ouvrant ainsi la voie à une médecine à deux vitesses.
Bien que largement critiquable dans sa forme actuelle, cette motion a le mérite de remettre à l’agenda un levier de transformation potentiellement puissant pour l’organisation des soins. Car l’assouplissement de la liberté de contracter, s’il repose sur une vision partagée et s’il est appliqué avec discernement, pourrait devenir un levier stratégique au service de l’intérêt général. Pour cela, il doit toutefois s’inscrire dans une logique d’organisation collective — et non dans une approche strictement individuelle et dans une logique purement économique comme le propose cette motion.
En l’occurrence, elle permettrait non seulement d’encadrer certaines pratiques médicalement discutables ou peu utiles pour les patients, mais surtout de favoriser l’émergence de nouvelles formes d’organisation des soins : des modèles plus coordonnés, plus durables et plus équitables, au bénéfice à la fois des patients et des soignants. Ces modèles, similaires aux réseaux de soins, ont déjà fait la preuve de leur efficacité en matière de maîtrise des coûts, sans porter atteinte à la qualité des prestations. Ces dynamiques collectives ne visent pas à contraindre les professionnels, mais à soutenir ceux qui s’engagent dans des pratiques de qualité, au sein de réseaux de soins intégrés fondés sur la collaboration et la co-responsabilité.
Pour être porteur de sens et bénéfique au système, l’assouplissement de l’obligation de contracter doit s’inscrire dans une démarche concertée impliquant l’ensemble des parties prenantes, être rigoureusement encadré, transparent, et guidé par des objectifs centrés sur les patients et l’intérêt général — des principes qui pourraient, le cas échéant, être guidé par une future loi sur la santé.
Ce n’est donc pas tant le principe même de la liberté de contracter qui doit nous inquiéter, que les modalités concrètes de sa mise en œuvre : avec qui, dans quel but et selon quels critères. L’enjeu est de faire de cet instrument un moteur de transformation en faveur d’un système de santé plus équitable et plus durable, garantissant à toutes et tous un accès à des soins de qualité — seul rempart contre une dérive vers une médecine à deux vitesses.
Addendum – À l’attention des médecins
Ce texte ne vise en aucun cas à affaiblir l’autonomie médicale ni à cautionner une sélection arbitraire des prestataires par les assureurs. Il plaide pour une réappropriation collective d’un outil qui, aujourd’hui, est instrumentalisé à des fins purement économiques.
Limiter l’obligation de contracter ne doit pas signifier marginaliser des médecins, mais encourager de nouvelles formes d’organisation des soins, mieux coordonnées, plus durables, et plus justes pour les patients comme pour les soignants.
Le but n’est pas de contrôler les professionnels, mais de soutenir ceux qui s’engagent dans des pratiques de qualité, dans des réseaux de soins intégrés, dans des logiques de coresponsabilité.
À condition d’être strictement encadrée, fondée sur des critères de transparence, de pertinence et de concertation, la liberté de contracter peut devenir un levier au service de la médecine de premier recours, plutôt qu’un instrument de sélection aveugle. Elle doit servir à valoriser les médecins qui prennent soin, pas à punir ceux qui coûtent.