Entretiens avec Baptiste Hurni conseiller aux États neuchâtelois (PS), et Philippe Nantermod, conseiller national valaisan (PLR).
Dans un contexte de vieillissement de la population et de progression des maladies chroniques, quels rôles voyez-vous pour des modèles alternatifs comme les réseaux de soins intégrés dans l'amélioration de la qualité des soins et de la coordination entre les professionnels de santé ?
Baptiste Hurni :
Les réseaux de soins font partie de la solution. L’enjeu principal est de se concentrer sur la santé globale du patient, plutôt que de se focaliser uniquement sur la maladie, comme c’est encore trop souvent le cas aujourd'hui. Les réseaux de soins intégrés offrent la possibilité d'une prévention réellement personnalisée. Le suivi offert par les réseaux est également particulièrement précieux pour les personnes souffrant de maladies chroniques, car il contribue à améliorer leur qualité de vie tout en générant des économies pour le système de santé.
Philippe Nantermod :
Idéalement, ils devraient jouer un rôle central, à condition que les réseaux de soins et les assureurs parviennent à s’entendre pour offrir un véritable modèle intégré aux assurés. Ce modèle doit couvrir une offre de soins complète avec, en ligne de mire, un tarif attractif pour le patient. Actuellement, nous nous limitons encore trop aux frontières cantonales pour accepter ces réseaux qui devraient, à mon sens, être étendus à l’échelle régionale voire nationale.
Comment percevez-vous l'importance de la prévention et de la promotion de la santé, telles que promues par des réseaux comme Delta, dans la transformation du système de santé suisse ? Quelles priorités devrions-nous fixer pour renforcer leur impact ?
Philippe Nantermod :
Cette approche est indispensable pour garantir une utilisation raisonnée des prestations médicales. Elle contribue à réduire la pression sur le système, notamment dans le traitement des maladies chroniques et des affections évitables. Toutefois, pour que cette vision prenne forme, il est essentiel d’adapter les modèles d’assurance. En particulier, il me semble fondamental que nous puissions introduire des assurances pluriannuelles pour dissuader le tourisme médical et permettre une meilleure continuité des soins.
Baptiste Hurni :
En Suisse, les budgets alloués à la prévention n'ont jamais augmenté. Nous investissons massivement dans le traitement des maladies, mais beaucoup moins dans leur prévention. Pourtant, celle-ci porte ses fruits. Par exemple, dans le domaine de l’assurance accident, des investissements conséquents ont permis de réduire significativement le nombre d'accidents. Il en va de même pour la santé : en mettant en place des réseaux de soins intégrés, nous pouvons diminuer l'incidence des maladies graves, ou du moins éviter d'atteindre des stades de la maladie où le traitement devient extrêmement complexe.
Quelles pistes explorer pour garantir un financement pérenne des initiatives de prévention en Suisse ?
Baptiste Hurni :
Tout d’abord, il est essentiel de reconnaître les réseaux de soins comme de véritables partenaires tarifaires. Ensuite, la création d'une caisse publique cantonale permettrait d’augmenter les budgets alloués à la prévention, établissant ainsi une stratégie de santé globale pour l’ensemble de la population. Actuellement, les assurés peuvent changer de caisse chaque année, ce qui n’incite pas ces dernières à investir dans la santé de leurs assurés. Il est également nécessaire de réformer la législation : il existe une loi sur le financement des soins mais il n'existe pas de loi sur la santé. Une telle loi pourrait soutenir des initiatives de prévention et par exemple obliger les caisses à consacrer une part plus importante de leur budget à cette thématique.
Philippe Nantermod :
Comme évoqué, les assurances pluriannuelles sont probablement un modèle attractif à explorer. Elles inciteraient les assurés à s’engager sur le long terme, tout en garantissant des coûts de santé mieux contrôlés. De plus, il est essentiel de reconnaître que les patients sont de plus en plus mobiles et qu’ils n’ont pas nécessairement besoin de toutes les prestations à proximité immédiate. Les réseaux de soins doivent offrir des prestations de qualité là où elles se trouvent, et pas uniquement là où le patient réside. Le financement de la prévention pourrait également être renforcé par des incitations fiscales ou des subventions, afin de favoriser les initiatives qui démontrent leur impact sur la réduction des coûts de santé à long terme. Enfin, intégrer la prévention au parcours de soins, en s'appuyant sur des indicateurs de performance, pourrait encourager les professionnels à s’investir davantage dans cette démarche.
Selon vous, en quoi des services comme les « Points Santé » gratuits proposés par le modèle Optimed Delta Santé pourraient transformer l'accès aux soins pour les urgences mineures ? Quel potentiel voyez-vous pour des initiatives similaires dans le renforcement des soins de proximité ?
Philippe Nantermod :
C’est une approche intéressante de « gate-keeper » qui pourrait, à terme, contribuer à réorganiser le parcours de soins pour les urgences mineures. Bien que je doute que cela révolutionne l’accès aux urgences, cela pourrait en limiter l’usage intempestif. En parallèle, le développement de la télémédecine et l’implication des pharmacies comme premiers points de recours constituent des options prometteuses. Ces services de proximité, lorsqu’ils sont bien formés et coordonnés, peuvent répondre rapidement aux besoins des patients tout en décongestionnant les hôpitaux.
Baptiste Hurni :
Ces services sont une excellente initiative. Leur gratuité attire les patients et prouve qu'on peut réduire les coûts de la santé sans augmenter les franchises, contrairement à ce que certains préconisent. Ces structures intermédiaires manquent cruellement en Suisse, où les patients finissent souvent aux urgences faute d'alternative. Ces points santé pourraient décharger les urgences et améliorer le confort des patients. Bien que ces structures soient déficitaires, elles permettraient de réduire les coûts pour le système de santé dans sa totalité, en allégeant la facture des urgences, qui sont des structures extrêmement coûteuses.