Dossier

Assurer la relève en médecine de famille

Delta Echos #5

Assurer la relève en médecine de famille Assurer la relève en médecine de famille

En raison de l'évolution démographique et du vieillissement de la population, les besoins en soins de base augmentent, alors que la pénurie de médecins se fait chaque année un peu plus pressante. Dans ce contexte, comment garantir une relève suffisante en médecins de famille, essentiels à la pérennité du système de santé ?

Le rapport de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan) révèle que 50 % des diplômés devraient se diriger vers la médecine de famille pour répondre aux besoins de la population. Or, seulement 36 % des médecins titulaires d’un titre de spécialiste exercent dans ce domaine. Ce chiffre contraste fortement avec celui du Danemark par exemple, où 60 % des médecins se tournent vers les soins de base.

Face à ce déséquilibre, comment attirer davantage d’étudiants vers la médecine de famille et leur offrir les conditions nécessaires pour s’y épanouir ?

L’association Médecins de famille et de l'enfance Suisse (mfe), soutient qu’il faut agir tout au long de la formation des futurs médecins en commençant par un changement du numerus clausus, qui devrait se baser sur des aspects moins techniques et plus humains, jusqu’à l’assistanat en cabinet médical, un dispositif clé dans la formation postgraduée des jeunes médecins. Sébastien Jotterand, médecin de famille à Aubonne et co-président de mfe, souligne l’importance de ces premières expériences professionnelles déjà au début de leurs études à travers un stage dit « propédeutique » d’aide-soignant qui expose les étudiants aux corps souffrants. : « Il s'agit de confronter les jeunes médecins au monde des soins, avant qu’ils ne soient plongés dans les études théoriques », explique-t-il. Selon lui, ces premières expériences renforcent leur motivation et leur permettent de s'assurer que le métier de médecin est fait pour eux. Dans la même idée, des études montrent d’ailleurs que les médecins assistants ayant travaillé plus longtemps en cabinet de médecine générale pendant leur formation sont davantage susceptibles de poursuivre leur carrière dans ce domaine. Une étude a par exemple montré que 81% des anciens assistant au cabinet de médecine de famille du canton de Berne et 77% de ceux du canton de Soleure exercent aujourd’hui en tant que médecins de famille.

 

Un financement inégal

Les cantons reconnaissent l'importance de l'assistanat en cabinet médical et financent ces postes depuis plusieurs années, mais de manière très variable. En 2021, Genève n’a offert que deux postes d’assistanat en cabinet, faisant ainsi de ce canton le moins généreux de Suisse en la matière. À titre de comparaison, le canton de Saint-Gall, dont la population est comparable, en proposait 301. Ce système de financements disparates crée des inégalités dans l'accès à ces formations, selon le canton.

Depuis 2009, la Fondation pour la promotion de la formation en médecine de famille (FMF), fondée par des sociétés de médecine et la FMH, soutient également ce programme à l’échelle nationale, en cofinançant les salaires des médecins assistants et en organisant des cours pour les maîtres de stage. Celle-ci permet de cofinancer une cinquantaine de postes d’assistanats au cabinet médical par an dans toute la Suisse.

Malgré ces efforts, le financement des assistanats reste insuffisant et inégal. De nombreux assistanats sont encore financés à 100 % par les médecins formateurs eux-mêmes, ce qui constitue un frein pour les petites structures.

Sébastien Jotterand quant à lui, regrette que la Confédération ne prenne pas davantage de responsabilités en matière de formation postgraduée, qui incombe actuellement aux cantons. « Comme souvent en Suisse, c’est aux cantons de jouer un rôle clé », remarque-t-il.

 

D’autres initiatives pour soutenir la relève
En plus du soutien à l'assistanat, plusieurs initiatives sont en cours d’examen, tant au niveau des cantons que de la Confédération. La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider souhaite élaborer un agenda dédié à la médecine de premier recours accompagné de propositions concrètes, en collaboration avec les acteurs concernés, comme cela a été communiqué fin novembre 2024. Un rapport, qui sera disponible d'ici la fin de l'année 2025, mettra en évidence les actions nécessaires et proposera des mesures.

Une autre solution envisagée consiste en une répartition plus équitable des médecins et des spécialités. Une ordonnance de la Confédération vise à limiter l'accès aux spécialités où l'offre excède la demande, tout en incitant les jeunes médecins à s'installer dans les régions et spécialités où les besoins sont les plus pressants. « En limitant l'admission dans les spécialités médicales ou dans les régions où l'offre est excédentaire, l'objectif est d'orienter indirectement l'offre de soins vers les spécialités ou les régions où l'offre est insuffisante, » précise Tobias Bär, responsable de la communication à la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS).

Mfe, quant à elle, propose diverses solutions pour soutenir la médecine de famille : un allongement de la durée des assistanats à une année (contre six mois actuellement), un financement uniformisé de ces postes, pour les étudiants, l’introduction de stages obligatoires en médecine de famille et pédiatrie dès la fin du master, une augmentation de l’enseignement de la médecine de famille sur les sites facultaires et dans les cabinets de généralistes et pédiatres, et enfin, des incitatifs à l’installation en cabinet, en particulier dans les régions sous-approvisionnées. Sébastien Jotterand résume la situation ainsi : « Il faut à la fois réformer la formation et améliorer les conditions d’exercice pour attirer et maintenir les jeunes médecins en médecine de famille. Sans cela, le risque est grand de voir notre système de santé se fragiliser ».

 

 

L’assistanat au cabinet médical en Suisse en quelques chiffres1

  • 285 : le nombre total de postes d’assistanat en cabinet en Suisse en 2021.
  • Financement des postes au niveau national : 61% du financement est couvert par les cantons, 31% par les cabinets de formation et 8% par les hôpitaux.
  • Densité des postes d’assistants en cabinet en Suisse romande en 2021 :
    • Valais : 5,7 postes pour 100'000 habitants
    • Vaud : 5,6
    • Neuchâtel : 3,4 
    • Fribourg : 3,1
    • Genève : 0,4